Mettre au centre des priorités nationales les préoccupations d’une jeunesse majoritaire mais qui paradoxale semble longtemps en marge du débat national.
Propos recueillis par Gigie Pambou
Le président de l’association Synergie pour la prévoyance juvénile (Aspj) Reiche Massengo, a accordé récemment une interview à La Brève Online pour saluer la décision du président de la République qui a décrété 2024 comme l’année de la jeunesse. Toutes fois, le responsable de ladite association, présente ses attentes.
Dans son message à la nation du 31 décembre dernier, le chef de l’Etat congolais, Denis Sassou N’Guesso a entre autres annoncé que « 2024 sera l’année de la jeunesse ».
Au Congo, la question de l’emploi et de l’autonomisation des jeunes est préoccupante. Les statistiques montrent que les jeunes sont plus frappés par le chômage.
La Brève Online
Que penses-tu de l’année décrétée en faveur de la jeunesse ?
Le président de l’Aspj : Le dernier recensement général de la population et de l’habitat (Rgph) du Congo montre que la population congolaise est majoritairement jeune plus de 60%, avec une tendance des jeunes en âge de travailler qui représentent un peu plus de la moitié de ce taux. Le dividende démographique voudrait que des politiques soient mises en place et des investissements soient réalisés en faveur de la formation, notamment la formation qualifiante et l’emploi des jeunes.
C’est dire, que décréter une année pour la jeunesse est une mesure qui s’impose aux autorités compétentes pour répondre aux problèmes et défis qui minent la jeunesse congolaise. Nous saluons cette initiative du président de la République. Toutefois, il reste à s’interroger si cette déclaration sera effective dans les faits et ne sera pas une énième promesse du président non réalisée par le gouvernement et aussi, s’interroger si une année, une seule année, suffirait pour amorcer tant soit peu la réponse aux problèmes et attentes des jeunes ?
Qui est jeune ?
Un jeune est toute personne déclarée moins avancée en âge. Selon les Nations-Unies et de façon globale, on considère, est jeune, toute personne ayant un âge compris entre 15 et 24 ans. Mais, chaque pays a le droit de définir ce qu’il entend par jeune en fonction de ses réalités et des besoins sociaux en demande.
Qu’est-ce qu’il faut pour répondre aux attentes des jeunes ?
Les attentes des jeunes sont nombreuses. Ainsi, il y a un réel besoin de bien les définir et les prioriser au moyen d’une analyse situationnelle ou d’une évaluation spécifique et ensuite faire un plan de réponse. Je crois que le ministère en charge de la jeunesse connaît tous ces processus.
Toutefois, de façon générale, il est très facile d’identifier les problèmes qui minent la jeunesse congolaise et les éventuelles attentes qu’elle a. De la faiblesse des systèmes d’éducation et d’encadrement des jeunes, de l’absence d’un cadre de formation adéquat à l’absence des mécanismes efficaces d’employabilité des jeunes, nous voyons tous les problèmes auxquels les jeunes sont confrontés et les conséquences que cela induit, comme l’émergence de la délinquance juvénile avec le phénomène « bébé noir ou encore Kuluna », cela relève des faiblesses des systèmes d’éducation et d’encadrement des jeunes et la responsabilité est partagée entre tous les acteurs impliquées, l’Etat, les parents…
Il y a aussi la croissance des grossesses non désirées qui relève aussi des mêmes causes… Et de façon générale, nous remarquons, un gap entre la formation et l’emploi des jeunes…aujourd’hui, le chômage au Congo est devenu endémique, il est devenu presque normal pour un jeune de finir les études et de rester à la maison sans emploi, parce qu’il n’y a pas assez d’opportunités d’emplois, à cela il faut ajouter l’inadéquation entre le système de formation et le marché de l’emploi.
Les formations disponibles dans les institutions requises sont parfois dépassées et hors des besoins actuels d’emploi. On forme plus dans les secteurs qui auparavant étaient demandés par l’état /gouvernement. Mais aujourd’hui, l’état ne dispose plus d’assez de places budgétaires par rapport à la demande. Donc on forme de plus en plus des futurs chômeurs. Alors qu’il y a des nouveaux domaines qu’il faut prendre en compte et qui sont demandés dans le cadre du développement du secteur privé y compris l’entrepreneuriat.
Il faut noter que les attentes des jeunes sont beaucoup plus orientées vers une prise en compte par les autorités publiques des besoins d’encadrement et d’insertion sociale, des besoins de création des conditions d’emplois et d’entrepreneuriat (un environnement qui favorise l’entrepreneuriat avec moins de tracasseries administratives), l’amélioration des conditions et des programmes de formation, notamment l’accès aux formations qualifiantes… Une fois fait, on pourrait éponger les problèmes des jeunes tant soit peu, mais cela demande un peu de méthode et du temps, et une année pourrait ne pas être suffisante…
Quel sort pour les adultes au chômage ?
Tout le monde doit être pris en compte. A mon avis, ici la déclaration de l’année de la jeunesse ne devrait pas seulement signifier année de ceux qui ont moins de 35 ans, ça devrait signifier plutôt l’année de ceux qui sont affectés plus ou moins par les mêmes problèmes que les jeunes de moins de 35 ans en l’occurrence, le problème du chômage.
Donc, il serait très important de donner des réponses efficaces au problème du chômage y compris pour les plus âgés, car à un moment donné, ils ont été aussi jeunes, mais leurs attentes n’ont pas été satisfaites dans le temps. Ils ont donc besoin d’être aussi pris en compte et si possible de manières spécifiques.
Aujourd’hui, nous parlons d’agriculture, cela peut être un secteur qui peut créer de nombreux emplois, il serait important de prendre tous les aspects en compte et le gouvernement est le principal responsable de la mise en œuvre de cela. Nous appelons également les partenaires techniques et financier d’aider le gouvernement à réaliser cela.
Toutefois le président de l’Aspj reste attentive quant à la tenue saine, rigoureuse et juste de cette promesse du chef de l’Etat de mettre au centre des priorités nationales les préoccupations d’une jeunesse majoritaire mais qui paradoxale semble longtemps en marge du débat national.
L’association comprend que cette annonce est une invitation express à la jeunesse congolaise afin qu’elle se réapproprie les valeurs de l’éducation, de la conscience citoyenne, de l’union, de la discipline et du travail pour lesquelles notre organisation se bat sans relâche.
Rappelons que l’Aspj répond au souci d’apporter des réponses appropriées aux problèmes des jeunes.