La violence aveugle dont font montre les Sud-Africains noirs, à l’encontre d’autres Africains noirs venus du reste du continent africain, était prévisible. Et ce n’est pas fini. D’autres drames sont encore à craindre, tant que les dirigeants d’autres pays africains, les intellectuels et les opinions publiques du continent et de la diaspora ne dénonceront pas avec force et vigueur cette lâcheté abjecte des dirigeants politiques sud-africains et de la frange des capitaines d’industrie blancs, ainsi que de la classe moyenne noire.
C’était prévisible, parce que ce n’est pas la première fois que cet obscurantisme noir récent – forgé par les ceps de l’apartheid – s’étale sur l’Afrique du Sud que Mandela a appelée la Nation arc-en-ciel. Ces Sud-Africains meurtriers, constitués de hordes de tueurs, sont le fruit de la lobotomisation psychologique du cerveau du Noir sud-africain, opérée par les tenants de l’Apartheid, sur la conscience de l’Africain noir d’Afrique du Sud. C’est cet Être déshumanisé par un violent et pervers lavage de cerveau, et ghettoïsé comme un animal en zoo exclu de la vie civile dans les Bantoustans sordides pendant des décennies, qui est devenu le monstre froid qui égorge, brûle et détruit tout ce qui lui ressemble mais dont il se dit en être étranger.
Ces Noirs sud-africains lyncheurs, sont ces jeunes nés et grandis dans les banlieues-ghettos devenues, au fil des années, des prisons à ciel ouvert dans cette nation arc-en-ciel qui perd de plus en plus l’éclat de ses couleurs chatoyanttes, qui ont fait tenir, droits et fiers dans leur tête, Mandela et ses compagnon de prison à Robben Island ; ainsi que Winnie Mandela et tous les autres Africains et panafricains, pendant les longues années de lutte contre le système odieux et inhumain de l’Apartheid.
Ces hordes de « zombies » – sorties de ces cités-cimetières (créées dans un dessein raciste) avec des gourdins, des barres de fer, des couteaux, des bidons de kérosène, des briquets et des allumettes – sont des morts-vivants instrumentalisés par les classes politique noire, d’un côté, et économique blanche, de l’autre côté, ainsi que la moyenne bourgeoisie noire qui, tous les trois tiennent le haut du pavé dans l’Afrique du Sud post-Apartheid.
À noter que ces trois cercles du pouvoir, en incapacité notoire de gestion de la société, sont presque embusqués à la lisière du crime organisé. Leur leitmotiv, c’est faire du sur place, à dessein, pour ne pas proposer des projets de société favorisant une éducation de qualité qui permet l’usage de l’analyse grâce à l’esprit critique pour mieux baliser l’accès à l’embauche de plein emploi.
Craignant donc de se faire dégager du pouvoir par une révolution de rue, venue de jeunes sans éducation, sans instruction, sans schemes de raisonnement pour rêver et concrétiser leur futur immédiat et lointain, les écuries politico-économiques noires et économique blanche qui tiennent les manettes de l’Etat sud-africain, brandissent alors le chiffon rouge de la xénophobie en excitant, et poussant les jeunes à la chasse de l’autre Africain venu du reste du continent.
En fait, ces jeunes sont des proies faciles de la manipulation politicienne, parce qu’il leur manque l’éducation nécessaire et suffisante pouvant leur permettre de mieux connaître leur histoire que d’être abreuvés de la saoulerie de bière et de liqueurs infusées par les industries de distillerie répandues en Afrique du Sud.
Cette jeunesse sans éducation, ne peut savoir qu’avant – Mandela, Sisulu, Tambo, Mbeki, Kathrada, Winnie et tous les combattants de la liberté contre l’Apartheid et, singulièrement, les enfants de Soweto, ces écoliers qui furent massacrés par la police raciste blanche en 1976, alors qu’ils manifestaient pour le droit d’apprendre et d’étudier dans leurs maternelles en lieu et place de l’afrikans, la langue de l’occupant Boer – il y a eu des héros qui ont combattu contre l’envahisseur blanc pour défendre la terre d’Afrique du Sud.
Parmi ces héros, comme l’écrit Mandela dans « Conversations avec moi-même », on peut citer le chef Khoï Autshumayo ; Moqana des Rharhabe ; Bambata ; Cetywaio chez les Zoulous ; Mampuru pour les Sothos ; Tchivhase pour les Vendas ; Cungwa chef des Amagqunukhwebe ; Karel, le chef des Abatwa, menant de combats farouches, avec leur esprit indomptable et la noblesse de leur caractère, contre des commandos de Boers.
Même au cœur de l’apogée de la répression par le régime de l’Apartheid, des monarques courageux et valeureux se sont distingués sur cette terre d’Afrique du Sud. C’est le cas de Sabata, roi des Thembus, et Cyprian le Zoulou. D’autres grands noms de la lutte contre l’Apartheid ont allongé la liste de braves héros sud-africains, que ces jeunes sous-éduqués et manipulés nés après l’Apartheid ne peuvent ni connaître ni s’en référer pour les prendre comme modèles à suivre.
Le handicap dû au manque d’éducation, les prive de connaître des personnalités érudites comme les Selope, Jabavu, Dube, Abdurahman, Gool, Asvat, Cachalia, etc. Tous ces héros composent le limon de la nation arc-en-ciel, tant désirée et née d’une longue privation de liberté à des hommes et des femmes de haut rang en dignité.
C’est pourquoi, il ne faut pas perdre de vue que ce qui se passe en Afrique du Sud, ne peut se comprendre sans tenir compte du déficit programmé d’éducation, d’instruction, de savoir et de compétences au sein de cette population post-apartheid. Nelson Mandela en avait pleinement conscience. Il me l’avait dit, au cours d’une interview qu’il m’accorda dans les jardins du parlement sud-africain au Cape de Bonne Espérance, à 48h de son investiture officielle à Pretoria en juin 1994.
C’est pour préparer le nouveau Sud-Africain noir qu’il
inscrivit l’éducation scolaire parmi les priorités de son agenda politique, en tant chef d’Etat et premier président noir élu de la République sud-africaine post-apartheid. Cependant, il faut le signaler et le souligner avec force que le système d’Apartheid avait pour point d’orgue : L’abatardissement, par tous les moyens inimaginables, et le ravalement du Noir au rang d’un sous-produit de l’humanité pour justifier son externimation sur toute la surface du continent afin de s’approprier définitivement de cette partie de l’Afrique.
En destructurant la conscience des Noirs sud-africains, les Blancs, occupants, de l’Afrique du Sud ont réussi à braquer le Noir contre lui-même. Plus pernicieux que ça tu meurs ! Car ils sont parvenus à lui faire détester ce qu’il est. Et comme il ne peut pas s’incendier lui-même (car s’immoler, est perçu comme un acte héroïque sous d’autres cieux, cf. ce qui s’est passé en Tunisie et occasionné le printemps arabe, en Asie, etc.) ; ni s’égorger lui-même, le Noir sud-africain, a trouvé un exécutoire dans l’autre Noir, qui vient des environs.
C’est en celui-là, que le Noir sud-africain trouve une victime de substitution. Ainsi donc, au lieu de s’auto-assassiner, parce que c’est un lâche, un pleûtre conditionné par un manipulateur monstrueusement pernicieux, le Noir sud-africain ne veut pas tuer le mort-vivant qu’il est, parce qu’il a déjà été lui-même tué par le Blanc qui a conçu et mis en œuvre la dantesque machinerie à déshumaniser le Noir.
Il a donc peur de tuer ce mort-vivant qu’il est lui-même, au risque de fâcher et de faire déclencher le courroux de son sadique manipulateur sur le pauvre spectre qu’il représente, lorsqu’il se perçoit à travers son image abimée de sous-homme, de projet inachevé de l’humanité, que lui renvoie sa perception déchiquetée et tronquée par l’abject fonctionnement mental de celui qui l’a pris en esclavage dans la pensée et dans le corps.
N’étant plus en capacité de distinguer la source du mal qui le détruit, il se charge de construire un parangon, dans sa conscience exsangue, sur lequel il transporte le piédestal deifié du Blanc. Dans le subconscient de ce mort-vivant, qu’est le Sud-Africain noir, son bourreau – le Blanc – est son bienfaiteur (syndrome de Stockholm !) : il lui appartient et lui est soumis au point d’en devenir le monstre dressé pour tuer : Qui ? Lui-même, pardi ! Car sa conscience fracassée comme un miroir en mille bris et sa raison fossilisée dans les liants de la mélasse nauséeuse produite par la gluante bave du monstre froid qui lui a déni l’accès à l’éducation, sont deux indicateurs de sa déshumanisation.
Le Noir sud-africain, pour avoir été embastillé pendant longtemps, s’est muté socialement et psychologiquement en « zombie ». Il faut plus qu’une psychanalyse, mais toute une révolution des mentalités, de changement de paradigme socio-culturel, de progrès économiques et politiques, pour sauver le soldat perdu sud-africain noir, pour le ramener à la dimension de l’humain. Et ce travail de reconstruction est un devoir qui incombe, avant tout, à tous les Noirs qui ont compris de quoi il est question.
Texte écrit depuis le 9/9/ 2019.
Wu meno Mboungou-Kiongo.